Quelle fiscalité pour les « pros » ou traders en cryptomonnaies en France (2023)

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Introduction

Depuis 2019, la fiscalité des cryptomonnaies en France est beaucoup plus claire pour les particuliers. Cependant, c’est assez différent pour la fiscalité des « pros » ou traders en cryptomonnaies. On parle alors d’activité habituelle.

Pendant plusieurs années, l’administration fiscale a appliqué une doctrine administrative du Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) datant de 2014. En 2018, un arrêt du Conseil d’État est venu confirmer ces dispositions, sans pour autant les inscrire dans la loi.

En conséquence, la fiscalité des traders en cryptomonnaies est restée floue, à l’interprétation complexe, jusqu’en 2023. Cependant, même si les nouvelles dispositions sont objectivement plus claires que les précédentes, il reste quelques zones d’ombre que nous allons tenter d’éclaircir dans cet article.

Une fiscalité différente entre les pros et les particuliers

L’inapplication de l’article 150 VH bis du code général des impôts

En 2019, le code général des impôts (CGI) voit apparaître un nouvel article : le 150 VH bis. Créé par la loi de finances de décembre 2018, il a pour objectif d’instaurer une flat tax de 30 % pour les plus-values générées grâce à vos investissements en cryptomonnaies.

Cependant, l’article débute pour une exclusion de principe : « Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels… » On ne peut pas faire plus clair : l’article 150 VH bis ne s’applique pas aux bénéfices professionnels. En d’autres termes, il est applicable aux seuls particuliers, dont le trading de cryptomonnaies est une activité accessoire.

Vous vous posez alors probablement deux questions :

- Qu’est-ce qu’un particulier ?

- C’est quoi des bénéfices professionnels ?

Au risque de vous décevoir, nous n’allons pas pouvoir totalement éclairer vos lanternes.

L’absence de catégorie spécifique aux traders de cryptomonnaies

Ni l’article 150 VH, ni le CGI, ni le code monétaire et financier (CMF) ne définissent ce qu’est un « professionnel », en tout cas pas dans ce qui pourrait nous intéresser. Il faut donc se rapporter à ce que nous connaissons déjà, en droit fiscal français, de la distinction entre particulier et professionnel.

Un particulier, c’est une personne qui réalise ses gains à titre accessoire. Ainsi, il exerce une activité principale à côté de ses investissements en cryptos. Les exemples sont plutôt simples à comprendre :

- Une personne est salariée d’une entreprise X,

- Cette même personne a réalisé des plus-values en cryptomonnaies.

Dans de pareils cas, sauf situation très exceptionnelle, le contribuable sera toujours considéré comme ayant réalisé des plus-values à titre accessoire. En conséquence, c’est un particulier au sens fiscal.

En revanche, quid des situations exceptionnelles ou des personnes dont les plus-values en cryptos représentent leurs revenus principaux ? Elles peuvent se voir refuser l’application des dispositions de l’article 150 VH bis du CGI. Autrement dit, la flat tax leur est inapplicable.

On parle alors des plus-values réalisées au titre d’une activité habituelle. Le problème, c’est qu’il arrive que des situations soient tellement complexes qu’il devient difficile de distinguer « à titre accessoire » et « à titre habituel ».

La délicate distinction entre particulier et pro

Des critères de distinction flous

À l’heure où ces lignes sont écrites, il n’y a absolument aucun critère de distinction légalement établi entre un particulier et un pro. Le pro, on estime qu’il réalise une activité habituellede trading, tandis que le particulier exerce une activité accessoire.

Tout repose donc sur une interprétation au cas par cas. Or, certains cas sont justement très difficiles à interpréter.

Nous allons vous aider 4 exemples pour vous permettre de comprendre ce qu’est une situation difficile à interpréter :

- Une personne salariée ayant réalisé une plus-value supérieure à ses revenus en une seule transaction ;

- Une personne sans revenu ayant réalisé une faible plus-value, mais quand même supérieure à ses autres revenus ;

- Une personne salariée ayant fait des dizaines de milliers de transactions automatisées, mais générant une plus-value inférieure à ses revenus du travail ;

- Un entrepreneur rémunéré en dividendes et ayant réalisé une forte plus-value en cryptomonnaies.

Pour ces 4 situations, la qualification entre pro et particulier est loin d’être évidente, parce que l’on touche à des situations complexes.

Par exemple, souvent, le fait que la plus-value réalisée soit plus importante que les revenus du travail est un critère important pour faire rentrer dans la catégorie des professionnels. Mais, si cette plus-value a été réalisée à raison d’une seule transaction, est-ce toujours le cas ? Or, il est tout à fait possible qu’une personne ayant acheté du bitcoin « peu cher » puisse réaliser une telle plus-value.

Comme nous le verrons en dernière partie, le régime fiscal est tellement différent entre particulier et professionnel qu’il faut faire attention à ces situations complexes.

Des critères proches de ceux des traders en bourse ?

Et si le salut venait de la Bourse ? En effet, le trading boursier est bien plus ancien que le trading en cryptomonnaies. Même s’il souffre du même problème, l’absence d’une disposition légale, la jurisprudence est plutôt bien établie.

Ainsi, le juge a déterminé plusieurs critères pour distinguer le trader professionnel en Bourse d’un particulier.

Le critère classique de revenu accessoire est souvent évoqué. Mais il n’est pas suffisant. Par exemple, il faut une activité de trading soutenue et cela passe par 3 critères :

- La fréquence des cessions,

- La durée de la détention,

- L’achat-revente.

La fréquence des cessions, c’est le fait de, par exemple, effectuer des dizaines de milliers de cessions (ventes) par an, contre 5 pour d’autres. La durée de la détention, c’est le fait de vendre ses possessions 2 heures après l’achat, tandis que d’autres conservent leurs actions pendant 5 ans. Enfin, l’achat-revente est l’activité fétiche du trader, consistant à acheter et revendre sans cesse des actions.

À ces critères, on peut rajouter le type de produits et de cessions. L’exemple typique, c’est l’utilisation de produits dérivés ou à effet de levier, qui sont très utilisés pour les traders, car (normalement) réservés à des habitués.

Enfin, ces dernières années, les robots ou bots se sont fortement développés, permettant d’automatiser une large partie des transactions. C’est la raison pour laquelle certaines personnes peuvent arriver à des dizaines de milliers de transactions par an !

Or, tous ces critères du trader boursier peuvent être facilement transposables au trader en cryptomonnaies, puisqu’on peut utiliser les mêmes types d’outils. Par solution de facilité, beaucoup ont donc adopté ce principe logique :

Lorsqu’une personne réalise des plus-values en cryptomonnaies en utilisant des techniques similaires à un trader professionnel en Bourse, on peut considérer qu’il s’agit d’un trader professionnel en cryptomonnaies.

Néanmoins, jusqu’en 2023, un autre problème est venu encore plus compliquer la situation : le régime fiscal applicable.

La fiscalité française applicable aux « pros » ou traders en cryptomonnaies

La situation avant 2023

Parlons enfin du régime fiscal applicable ! Ou plutôt, pour commencer, de l’ancien. En effet, de 2014 à 2022, les traders en cryptomonnaies se sont vus appliquer le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Ce régime a été confirmé par l’arrêt du Conseil d’État du 26 avril 2018. Le juge administratif citait alors les articles 34 du CGI et L. 110-1 du Code de commerce. Néanmoins, il était alors difficile de savoir où rattacher les cryptomonnaies. D’aucuns prenaient donc la catégorie par défaut : acte de commerce.

En outre, et c’est peut-être le plus important, les traders boursiers n’étaient pas soumis au régime du BIC. Il n’y avait donc pas vraiment de sens à conserver ce régime fiscal. Et c’est désormais chose faite depuis le 1er janvier 2023, puisque les plus-values des traders sont imposées aux bénéfices non commerciaux (BNC).

La situation depuis 2023

Le régime du bénéfice non commercial, c’est le même que celui soumis aux traders boursiers et aux mineurs. On a donc un rapprochement plutôt logique des régimes fiscaux, grâce à la loi de finances 2021 pour 2022. Comment fonctionne ce régime ? Vous allez voir, le brouillard demeure, même s’il est objectivement réduit.

Voici la lettre du 1° bis de l’article 92 du CGI : « Les produits des opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à̀ celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à̀ titre professionnel à ce type d’opérations ».

Ça, c’est la définition de ce qu’est une activité habituelle de trading de cryptomonnaies. Vous avez donc compris que tout repose sur une seule question : mais c’est quoi des conditions analogues ?

C’est plutôt simple : reprenez les critères au-dessus, ceux du trading boursier, comme le nombre d’opérations ou l’utilisation de produits dérivés. Il s’agit donc d’un faisceau d’indices pour déterminer si vous exercez ou non une activité habituelle de trading de cryptomonnaies. Autrement dit, rien ne change, mais la différence essentielle est que c’est désormais inscrit dans la loi.

Quelles sont les différences entre cette fiscalité des traders et celle des particuliers ?

La première, nous l’avons déjà mentionnée : on applique le régime fiscal du BNC, et non pas la flat tax.

La seconde est importante : les transactions crypto-crypto ne sont pas exonérées d’imposition. En d’autres termes, si vous vendez du BTC contre de l’ETH ou de l’USDC, cette transaction est imposable. Oui, cela change absolument tout.

La troisième, si vous n’optez pas pour le régime du micro-BNC (le seuil est fixé à environ 73 000 € de recettes annuelles), vous êtes imposé(e) au régime réel et devez tenir une véritable comptabilité. Ce régime est appelé « déclaration contrôlée ». Il est potentiellement plus avantageux que le régime réel, mais tout dépend de votre situation.

La quatrième, c’est que vous pouvez déduire tous les frais qui sont liés à votre activité et c’est potentiellement beaucoup de choses (matériel et formation par exemple, en plus des frais de transactions).

Si vous pensez être dans une situation d’activité habituelle, le mieux que nous pouvons vous conseiller, c’est de consulter un avocat fiscaliste.